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La cuisine traditionnelle crie en Eeyou Istchee Baie-James

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Le chef cuisinier Stéphane Modat à la rencontre de la cuisine traditionnelle crie

 

Le chef cuisinier Stéphane Modat n'a plus besoin de longues présentations. Originaire du sud de la France et installé au Québec depuis vingt ans, le chef parcourt la province à la découverte du terroir. Et cette découverte passe entre autres par la rencontre avec les peuples autochtones.

 

C'est dans ce contexte que le chef a fait une immersion culinaire — et culturelle ! — à Chisasibi à l'été 2019 pour découvrir la cuisine traditionnelle crie d'Eeyou Istchee Baie-James. Avec son acolyte photographe Frédéric Laroche, ils ont rencontré les gens de la communauté, pêché et cuisiné avec eux pendant près d'une semaine.

 

Les échanges ont permis de créer un livre de cuisine mettant en valeur les saveurs du territoire. Mais c'est aussi la rencontre entre un chef passionné et un peuple généreux qui se sont unis pour apprivoiser et réinventer des recettes traditionnelles cries.

REVENIR À L'ESSENTIEL

 

Pour le chef, « Premières Nations » signifie « premières cuisines ». C'est revenir à l'essentiel, redécouvrir la simplicité d'un aliment. Parce qu'ici, en Eeyou Istchee Baie-James, la cuisine traditionnelle crie rime avec saisonnalité et localité. En été, les poissons, les petits fruits et les diverses plantes comestibles sont à l'honneur.

Mais, pour manger du poisson, il faut le pêcher, le préparer et l'apprêter. Chaque étape prend du temps et demande des compétences particulières « qui se sont un peu perdues », selon Stéphane.

La pêche demande d'être patient et de connaître son environnement. À la pêche au filet, l'une des méthodes de pêche traditionnelle des Cris, Stéphane, Frédéric et leur guide Charlie attrapent différentes espèces de poissons : truite mouchetée, truite grise, corégone, doré jaune et brochet.

 

« Moi, je pensais avoir vu de grosses truites dans ma vie. Mais non… Si tu vas en Eeyou Istchee Baie-James, tu vas comprendre ce qu'est une grosse truite ! »

- Stéphane Modat

 

Charlie est un aîné de la communauté de Chisasibi. Il a grandi sur l'île de Fort Georges, où était initialement située la communauté avant d'être relocalisée à son emplacement actuel. Une fois les poissons pêchés, c'est l'occasion pour lui de partager des techniques de cuisson à la fois simples et ingénieuses qu'il a lui-même apprises lorsqu'il était jeune.

La façon d'apprêter un poisson dépend de son espèce, mais également de la façon dont il sera cuit : sur le feu, bouilli ou séché.

Chaque étape de la cuisine est un moment de partage, de transmission et d'échange.

LA SAISONNALITÉ

 

La saisonnalité est au cœur de l'alimentation des Cris depuis que le monde est monde. Ce peuple autrefois nomade voyageait au gré des saisons et des migrations animales. L'alimentation témoigne d'une culture, d'un mode de vie. Encore aujourd'hui, les Cris profitent du « Goose Break » et du « Moose Break », respectivement au printemps et à l'automne, pour retourner sur le territoire pour la chasse à l'oie et à l'orignal.

 

« J'ai hâte de vivre les autres saisons pour savoir ce qu'elles ont à offrir, pour connaître la tradition des saisons. Parce que tout est basé sur la saisonnalité. »

 

La saisonnalité, c'est aussi respecter le rythme de la nature. C'est profiter de ce qu'elle a à offrir, quand elle l'offre. Respecter la nature implique aussi de ne rien gaspiller et, ainsi, de conserver ce qui peut l'être.

Dans la cuisine traditionnelle crie d'Eeyou Istchee Baie-James, rien n'est gaspillé.

Jerry cuit du poisson à Chisasibi
Bacon de poisson

 

« Les Cris sont fantastiques à ce sujet ! On garde tout, de la tête à la queue. J'ai mangé du “bacon” fait à partir des entrailles, les œufs sont intégrés dans la bannique… tout est utilisé. »

LE PARTAGE

 

Stéphane s'inspire des échanges qu'il a eus avec les Autochtones de partout au Québec pour créer de nouvelles recettes. Il met non seulement en valeur les aliments du terroir, mais également les valeurs derrière les méthodes de pêche, de chasse et de cueillette.

Chaque rencontre est l'occasion pour lui d'intégrer de nouveaux éléments à sa façon de cuisiner.

 

Mais l'échange n'est pas à sens unique !

Inspiré par tout ce que les Cris de Chisasibi lui transmettent, il n'hésite pas à récolter ce qui se trouve autour de lui pour assaisonner une truite fraîchement pêchée avec son guide Jerry, au camp familial traditionnel de ce dernier. Sur les rives de la baie James, Stéphane cueille du plantain sauvage, du persil maritime, des pousses de pois sauvages, des baies de genièvre, des pousses de sapin…

Voilà qu'en toute simplicité, la truite est agrémentée d'une salade de pommes de terre aux herbes sauvages. Une recette à découvrir dans le livre « Saveurs nordiques » !

Herbes sauvages cueillies à Chisasibi
Fleurs comestibles cueillies à Chisasibi

Le lendemain, sous le tipi, des aînées lui montrent à préparer la bannique. Les rires fusent pendant qu'elles travaillent : c'est le plaisir de préparer la nourriture traditionnelle et de partager leurs trucs avec Stéphane.

 

« La nation crie a une quantité de recettes de bannique que je n'aurais pas cru possible ! Molly, une aînée de la communauté, m'a montré comment faire la bannique cuite sur bâton au-dessus du feu. C'était génial ! »

Préparation de la bannick sous le tipi

LE TERRITOIRE… ET LES GENS

 

Pour Stéphane, la grande richesse de la cuisine traditionnelle crie, c'est aussi qu'elle se base sur une faune et une flore diversifiées, appréciées et préservées par le peuple cri. C'est profiter de paysages uniques tout en pêchant. C'est cuisiner sur le bord de la baie James. C'est apprécier la nature sous toutes ses coutures.

 

« Eeyou Istchee Baie-James, c'est changer complètement de panorama. Ce sont des couchers de soleil hallucinants, des étendues d'eau à perte de vue. »

 

L'autre richesse, ce sont bien sûr les gens qui partagent leur culture, leurs savoirs et leur amour du territoire.

Stéphane Modat à la pêche à Chisasibi
Aînée Molly de Chisasibi
Stéphane Modat et Jerry sous le tipi à Chisasibi
L'Aîné Charlie à la pêche à Chisasibi

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Stéphane Modat était à Chisasibi à l'été 2019 dans le cadre du rassemblement Mamoweedow, sur l'île de Fort George. Ce festival permet aux habitants de se retrouver pour célébrer la culture et l'histoire de leur communauté.